Qu’est-ce que la Jasside du Coton ?
La Jasside du Coton ou Cotton Leafhopper— Amrasca biguttula (Hemiptera : Cicadellidae)— est un petit insecte piqueur-suceur d’environ 2,65 mm de long. L’adulte est de couleur jaune-verdâtre et possède des ailes membraneuses qui portent deux petits points noirs caractéristiques. Son cycle biologique dure environ 30 jours et la nymphe passe par cinq stades. Ce ravageur se nourrit de la sève et peut inoculer des toxines pendant l’alimentation. Au Niger, la jasside du coton attaque des cultures comme le gombo, oseille, aubergine, niébé, arachide, coton. La ”lutte intégrée“— notamment les méthodes culturales, le recours à des variétés résistantes/tolérantes— est la meilleure approche pour combattre efficacement ce ravageur. L’usage de pesticide chimique devrait s’inscrire dans une stratégie de Gestion de la Résistance aux Pesticides— l’efficacité étant garantie en cas d’alternance, succession ou rotation d’insecticides issus de groupes de modes d’action différents mais complémentaires.
Cet article a surtout vocation de documenter la présence de la Jasside du Coton au Niger.
Plantes hôtes
La Jasside du Coton est un insecte polyphage ravageur d’au moins 25 espèces de plantes—en particulier beaucoup de plantes d’importance alimentaire et économique au Niger. Parmi ces cultures on trouve le gombo, oseille, niébé, arachide, coton, soja, aubergine et pomme de terre. L’insecte peut également s’attaquer à la tomate, le maïs ou le sorgho.
Comment reconnaître la jasside du coton ?
L’adulte d’environ 2,65 mm possède des ailes de couleur jaune-verdâtre à brun-rougeâtre, respectivement pendant l’été et l’hiver. L’un des caractères distinctifs chez cet insecte est la présence de deux petits points noirs à l’extrémité des ailes antérieures. IRAC affirme que l’adulte possède des yeux violet-foncés et deux points noirs sur la tête mais les spécimens observés au Niger cet été (en août) ont des yeux blancs et les deux points noirs sur la tête sont absents— ceci corrobore avec les observations réalisées par Yarou et al, 2023 au Bénin.
Les œufs jaune-blanchâtres et cintrés mesurent 0,73×0,24 mm. Ils sont déposés dans les tissus épidermiques des feuilles chez le gombo. Une femelle produit entre 25 à 34 œufs. La nymphe— d’environ 0,6 à 2,2 mm de long— est d’abord transparente puis jaune-verdâtre. Le développement de la nymphe comporte 5 stades.
Dégâts causés par la jasside du coton
Les nymphes et adultes sont principalement sur la face inférieure des feuilles où ils se nourrissent de la sève et inoculent des toxines altérant les feuilles et affectent la photosynthèse et le rendement. Les principaux symptômes sont le jaunissement des feuilles qui se recroquevillent aux extrémités puis s’enroulement vers l’intérieur (chez l’oseille) ou vers l’extérieur (chez le gombo). Même si les symptômes sur les feuilles ressemblent à ceux des viroses, il n’y a pas encore de preuves évidentes de transmission de virus par la jasside de coton.
Les observations que nous avons réalisées sur l’oseille (Hibiscus sabdariffa) et le gombo (Abelmoschus esculentus) à Niamey font ressortir les symptômes suivants : feuilles piquetées de points blancs, production de petites feuilles, retard de croissance. En cas d’attaques sévères, les feuilles deviennent rouges.
Le pic d’infestation se situe entre juin et août. Les facteurs tels que les températures et le taux d’humidité dépassant, respectivement 29°C et 78% ou les photopériodes en deçà de 6,4 heures limitent la croissance et le développement de l’insecte, rapporte l’IRAC.
Stratégie de lutte contre l’insecte
La jasside du coton étant un insecte polyphage se développant sur la face inférieure de la feuille, il serait très difficile de la détecter à temps. La meilleure approche de lutte serait de s’inscrire dans un schéma de lutte intégrée visant à minimiser l’usage des insecticides chimiques.
Méthodes culturales
Il existe plusieurs méthodes de lutte contre la jasside du coton. Il s’agit notamment de :
- Réaliser des semis précoces : par exemple entre mai et juin (au Niger) ;
- Association de cultures (coton-gombo, gombo-oseille, coton-tournesol, etc.) ;
- Utiliser des plantes-pièges : par exemple l’oseille en culture d’arachide, ou le gombo en culture d’aubergine ;
Variétés résistantes ou tolérantes
Le recours aux variétés résistantes/tolérantes réduirait les infestations. Chez le coton et l’aubergine, la présence des feuilles glabres pourrait impacter l’oviposition chez les adultes. Des cas de résistance à la jasside du coton ont été rapportés chez des variétés de gombo comme Clemson Spineless disponible au Niger sur AgShop et csan-niger.com.
Lutte contre la résistance (Insecticide Resistance Management ou IRM)
Les stratégies de gestion efficace de la résistance aux pesticides ont pour but de minimiser la sélection des individus résistants au sein d’une population donnée de nuisibles. Ainsi, l’alternance, la succession ou la rotation des molécules issues de différents groupes de modes d’action (MdA) fournissent une IRM efficace et durable (IRAC, 2019).
La Figure ci-dessous illustre une succession d’insecticides au cours d’une campagne agricole (cycle de culture). Compte tenu de la faible disponibilité de certains insecticides issus des différents MdA— en particulier en zone rurale au Niger— il est possible de succéder des insecticides issus du même groupe de MdA— pour, au plus, deux applications successives.
Notez que la disponibilité des pesticides appartenant à ces MdA diffère d’un pays à l’autre à cause de la législation en vigueur.
Tableau 1: Modes d’action fournissant une protection efficace et durable contre les piqueur-suceurs (pucerons, mouches blanches et cicadelles)
Quelques références citées
Bhandari S., Singh Thakuri L., Rimal S. & Bhatta T., 2022. Management of okra jassid (Amrasca biguttula biguttula) through the use of botanicals and chemical pesticides under field conditions in Chitwan, Nepal. Journal of Agriculture and Food Research. Vol. 10. https://doi.org/10.1016/j.jafr.2022.100403
CABI, 2022. Amrasca biguttula biguttula (Indian cotton jassid). Technical Factsheet, PlantwisePlus Knowledge Bank. https://doi.org/10.1079/pwkb.species.20857, consulté le 23/08/2024
EPPO Global Database. Amrasca biguttula (EMPOBI), https://gd.eppo.int/taxon/EMPOBI, consulté le 23/08/2024
IRAC (Insecticide Resistance Action Committee). Amrasca biguttula biguttula, https://irac-online.org/pests/amrasca_biguttula_biguttula/, consulté le 26/08/2024
IRAC, 2019. Aphids, Whiteflies, Plantehoppers and Leafhoppers – Insecticide Mode of Action Classification : A key to effective insecticide resistance management. Poster Version 8, Based on MoA Classification Version 9.1.
Jayasimba G., Rachana R. and Rajkumar V., 2012. Biology and seasonal incidence of leafhopper Amrasca biguttula biguttula (Ishida) (Hemipetra : Cicadellidae) on okra. Pest Management in Horticulture Ecosystems. 18 (2) : 149-153.Yarou B.B., Fransisco A.R., De Troij A., et Aboubakar S.D., 2023. Amrasca biguttula Ishida : quel avenir pour la production du gombo au Bénin ?
Citation recommandée
Salifou A., 2024. La Jasside du Coton (Amrasca biguttula biguttula Ishida) sur oseille (Hibiscus sabdariffa) au Niger. VegNote 0124, Vol. 3. csan-niger.com.
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